Regard impérieux

jeudi 21 avril 2011

Posté par Thierry | Classé dans : Mots

Regard impérieux

C'est dans ce quartier du centre, tout contre le Maiden, le plus grand parc de Calcutta, sur Chowingree, au niveau de Park Street, Sudder Street, que l'on ressent sans doute le plus l'influence anglaise sur la ville. Près du Victoria Memorial, les avenues sont larges et droites, bordées d'arbres toujours blancs, car saupoudrés d'une éternelle poussière. Dans ce quartier sont les meilleurs magasins, ceux où tout le monde n'entre pas, ou le New Market, imposant bâtiment de briques rouges rassemblant des centaines de boutiques où l'on trouve de tout.

Ce quartier où se regroupent la plupart des hôtels les plus bons marchés de la ville est fédérateur pour les rares touristes, il semble difficile d'y échapper. Il est sans réel cachet, et on peut s'y croire dans n'importe quelle capitale occidentale. C'est bien ce qui m'est arrivé...

J'étais la caricature du parfait touriste, sac au dos, l'indispensable bouteille d'eau minérale à la main, et j'avais un peu de temps à perdre, en attendant le développement des inévitables photos. Fuyant le soleil et la circulation, je me promenais sur le bord du Maiden, cher­chant l'ombre des arbres, le vert, couleur rare, de l'herbe, de l'air un peu plus clair, et observant des parterres de somptueuses fleurs cultivées. Dans ce cadre idyllique, j'ai du me dissoudre et me projeter dans une ville européenne.

J'ai gobé, pour effacer la poussière, la dernière gorgée d'eau de ma bouteille, et machinalement, je cherchais des yeux une poubelle pour l'y jeter.

À ce niveau du récit, les lecteurs qui connaissent l'Inde et Calcutta, hurlent de rire et se gaussent du pauvre narrateur naïf.

J'étais à Calcutta et je cherchais une poubelle !


C'est une petite main qui m'a ramené à la réalité, une main tendue vers ma bouteille vide.

Au bout de la main était une petite fille au regard autoritaire, elle ne mendiait pas ma bouteille vide, elle l'exigeait. Un peu plus loin, deux petits bouts d'homme tenant à peine sur leurs jambes tentaient d'écarquiller leurs yeux pour y noyer le visage pale.

La petite fille au visage sévère portait le souvenir de ce qui avait dû être des vêtements, sa frimousse était d'une couleur indéfinissable, crasseuse à souhait.

Elle pouvait avoir cinq ou six ans, était mignonne à croquer, et faisait juste son métier : collecter les bouteilles en plastique.

Ses grands yeux noirs, encadrés d'un champ de bataille qui doit s'appeler chevelure, mangeaient le reste du visage. Une pointe d'impatience éclairait presque un soupçon de sourire : « Allez, allez, c'est pas parce que t'es étranger, ... j'ai pas que ça à faire... ! »

Regard impérieux
Mots clés : aucun
Thierry, le mécano du site

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